C’est un concept qui agite régulièrement le monde de l’entreprise, particulièrement depuis la pandémie. La semaine de 4 jours interroge le rapport au travail et casse les codes. Ce concept nous pousse à imaginer de nouveaux équilibres entre vie professionnelle et vie personnelle. Plusieurs pays ont lancé des expérimentations pour tester ce nouveau mode de fonctionnement. Découvrez dans cet article, les questionnements autour de la semaine de 4 jours et les pratiques clés pour la mettre en place.
Les origines de la semaine de 4 jours
La question de la semaine de 4 jours n’est pas nouvelle. C’est l’eurodéputé Pierre Larrouturou qui en est l’initiateur, en 1993. En France, le concept fait débat dès 1996. En effet, la loi De Robien permettait aux volontaires de mettre en place des semaines de 32 heures travaillées. L’objectif était alors de mieux comprendre l’impact sur les recrutements et l’emploi, avant de penser à une potentielle généralisation. La Loi Aubry a toutefois freiné ces initiatives, se concentrant d’abord sur une harmonisation des 35 heures hebdomadaires, dès le début des années 2000. Depuis, beaucoup d’initiatives ont vu le jour, avec des expérimentations de plus en plus massives. En 2022, l’Espagne passe à l’action. Le gouvernement a rassemblé 200 000 entreprises et 50 millions d’euros pour tester la semaine de 4 jours à grande échelle. Au UK, le retour d’expérience très positif de 61 structures a remis le sujet au goût du jour.
Travailler 4 jours par semaine, est-ce pour tous ?
Au départ, les entreprises semblaient assez frileuses. Baisse de performance, activité tournant au ralenti, déploiement potentiellement chaotique… Les risques étaient jugés trop nombreux pour des bénéfices peu intuitifs. Pourtant, certaines compagnies ont lancé le mouvement. LDLC en tête. La plateforme de e-commerce en a clairement fait un outil de différenciation, pour attirer des talents fortement sollicités. Elle a ainsi multiplié les interventions médiatiques et partagé son expérience avec d’autres employeurs pour faire bouger les lignes. Forte de ces tests, l’initiative commence à s’installer, d’autant que les salariés sont en attente. Du côté de la fonction publique, le gouvernement français a annoncé un essai pour l’Urssaf de Picardie. Les agents pourront, sur la base du volontariat, concentrer leurs heures de travail sur 4 jours.
La semaine de 4 jours est-elle une question générationnelle ?
Les études sur le sujet sont plutôt claires : les salariés sont en demande de flexibilité vis-à-vis de leur employeur. Ainsi, les Français étaient 64% à se déclarer favorables à la semaine de 4 jours en 2022. C’est une augmentation de 4 points par rapport à 2019*. Ces chiffres sont même plus élevés chez les parents et plus globalement chez les 25-44 ans. Certains évoquent même la possibilité de faire des efforts sur la rémunération. Toutes les générations sont concernées. En effet, 57% des Français déclarent être favorables à une baisse de salaire si cela leur permet plus d’équilibre entre leur vie professionnelle et personnelle. Ce chiffre monte à 66% chez les plus jeunes de la génération z et des milléniaux. Attention toutefois, la semaine de 4 jours ne doit pas être synonyme pour eux d’une baisse de rémunération. Pour les talents, c’est plutôt la flexibilité et la recherche d’équilibre qui sont attractives, ils recherchent épanouissement et bien-être au travail. La semaine de 4 jours étant une option parmi d’autres.
Comment mettre en place la semaine de 4 jours ?
Pour mettre en place la semaine de 4 jours, les 61 entreprises de l’expérience britannique ont opté pour l’une des 4 méthodes suivantes.
- Le modèle échelonné qui propose aux salariés eux-mêmes de choisir un jour non travaillé par semaine.
- Le modèle décentralisé qui permet aux employeurs d’imposer des horaires de travail. Ces dernières sont adaptées à chaque service, en fonction des besoins et modes de collaboration propres.
- Le modèle annualisé qui lisse le temps de travail sur une base de 32 heures hebdomadaires. C’est un peu comme nos 35 heures. Soit cela se traduit par des journées plus courtes, soit par des journées de récupération.
- Enfin, le modèle conditionnel qui propose le dispositif de temps de travail allégé dès lors que les objectifs sont atteints. En revanche, si la direction constate une baisse d’activité, elle peut alors repasser à un modèle de 5 jours.
Ces différentes méthodes montrent que la semaine de 4 jours doit être abordée de façon propre à chaque entreprise. Il semble, en effet, indispensable de faire un bon état des lieux du fonctionnement interne et externe. Cela permettra de gagner en performance tant dans la relation avec les collaborateurs qu’avec les clients.
Ce que cela dit des RH et des employeurs
Nous vous l’évoquons régulièrement ici : le rapport de force entre employés et employeurs s’est inversé. Nous sommes en pleine guerre des talents, entre Grande Démission et quiet quitting. Il y a encore peu de temps, les candidats postulaient en nombre. Aujourd’hui, il faut des entreprises et des politiques RH attractives pour tirer son épingle du jeu. Proposer un rythme de 4 jours peut ainsi faire toute la différence. De plus, à l’heure où les médias parlent sans cesse de l’amélioration des conditions de travail, cela fait pleinement sens. C’est en effet une manière de travailler en profondeur la QVCT, plutôt que de la traiter de façon superficielle et légère. Pour les RH, c’est enfin leur donner la possibilité de porter une vision plus positive et humaine. Comme pour le télétravail, l’employeur doit démontrer un certain lâcher-prise et une capacité à faire confiance à ses équipes. Comme en témoigne Laurent de la Clergerie, patron de LDLC : « Ce nouveau rythme a des impacts positifs sur la QVT, sur les collaborateurs, les clients et donc le business. On sent aussi que les collaborateurs sont fiers d’être dans une entreprise en avance sur ce type de dispositif. »
Rendre les salariés acteurs de leur travail
De par son approche encore expérimentale, la semaine de 4 jours laisse beaucoup de place au dialogue entre salariés et employeurs. Les entreprises qui témoignent évoquent ainsi régulièrement la mise en place d’enquêtes internes pour récolter du feedback. Chaque collaborateur est invité ainsi à s’exprimer et définir le rythme qui lui conviendrait le mieux, sur le même principe que le télétravail. C’est un point qui semble particulièrement intéressant pour créer une dynamique positive. De plus, questionner ses habitudes encourage à prendre du recul sur les rôles de chacun et à se responsabiliser. Le PDG de LDLC poursuit son témoignage en allant dans ce sens : « Les salariés se rendent également compte qu’ils sont plus efficaces, car en s’absentant un jour, c’est un collègue qui va prendre le relais sur les dossiers ; ils s’efforcent donc de tout laisser d’équerre pour que la relève soit assurée de la meilleure des manières. »
La semaine de 4 jours, si elle reste encore peu déployée, montre un vrai potentiel. Devant des employeurs en quête de renouveau, elle peut rendre les directions et les équipes RH plus humaines. Elle participe ainsi à réenchanter la relation avec les salariés, atout utile en pleine pénurie des talents. Mais pour être une réussite, cette mise en place doit être bien réfléchie en amont. La compréhension fine du contexte et l’implication des collaborateurs sont indispensables pour imaginer ensemble un nouveau rapport au travail. Et parce qu’elle reste encore expérimentale, la semaine de 4 jours peut être présentée comme un test avant une potentielle généralisation. Alors, on essaye ?
Quelques-unes des sources citées dans cet article (indiquées par une étoile*)
- France Info – Semaine de 4 jours : 64% des salariés français sont prêts à sauter le pas