Salarié boomerang : quand les anciens reviennent par la grande porte

Le “salarié boomerang” – qui fait le choix de revenir après être parti de son entreprise – est le nouveau concept en vogue dans la sphère RH. Devant des employeurs toujours autant confrontés à une pénurie de talents, ces talents pourraient être une partie de la solution. Profitons de cet article pour revenir sur cette tendance, ses avantages et dessiner les conditions d’un retour réussi d’anciens collaborateurs

Qui sont les salariés boomerangs ?

LinkedIn en a fait le sujet principal de son dernier baromètre de l’emploi*. Les salariés sont de plus en plus nombreux à oser revenir chez leurs anciens employeurs, après être partis quelque temps. Grâce aux données de ses utilisateurs, le réseau a pu quantifier le comportement. Ainsi, en 2022, près de 2,4% sont partis de leur entreprise pour mieux y revenir. Au-delà de la proportion, l’augmentation est également intéressante à voir puisque les salariés réembauchés sont 36% de plus qu’en 2019. Une tendance qu’avait déjà remarquée le cabinet de recrutement Hays dans son étude sur la rémunération en 2020*. Il mentionne, en effet, que 57% des salariés français se déclarent prêts à retourner dans une entreprise où ils ont déjà travaillé. Les salariés boomerangs sont souvent des cadres, sur des postes pointus et en position de force, puisque très demandés.

Que disent les salariés boomerangs de notre rapport au travail ?

Avec la pandémie, le rapport au travail a changé. Les salariés ont en effet eu le temps de réfléchir à la place à accorder à ce dernier dans leur vie. Ils sont devenus plus exigeants, voire intransigeants pour trouver le bon équilibre. Aux États-Unis, la tendance du quiet quitting inquiète les employeurs. En France, le phénomène est également perceptible. Les collaborateurs se montrent beaucoup plus téméraires et volatils. Ainsi, selon la Dares, le taux de démission atteint un niveau de 2,7% au premier trimestre 2022*. Un chiffre qui est au plus haut depuis la crise de 2008/2009. Ces départs ont la particularité d’être moins réfléchis. De nombreux témoignages montrent, en effet, des salariés prêts à partir même sans certitude de retrouver rapidement un travail. Plus largement, cette tendance traduit une approche moins linéaire à l’entreprise. Les nouvelles générations, comme la génération z, changent facilement d’employeurs, elles sont moins fidèles.

Quels sont les avantages de reprendre un ancien collaborateur ?

Côté employeur, faire revenir un ancien collaborateur présente plusieurs avantages. Premier point, il est quasi-assuré de la bonne compréhension de la culture et des modes de fonctionnement de l’entreprise. Le risque d’erreur de recrutement est donc plus limité. Par ailleurs, la formation et plus globalement l’onboarding peuvent être faits plus rapidement. C’est donc pour l’employeur la possibilité d’avoir une personne rapidement opérationnelle. Enfin, c’est l’opportunité de pouvoir capitaliser sur le gain d’expérience du salarié, en savoir-faire comme en savoir-être. Ce gain sera d’autant plus intéressant si le salarié a été chez un concurrent. Il pourra faire un retour précis et pragmatique de son passage et donner une clé de lecture sur le marché. Les Ressources Humaines peuvent également utiliser un logiciel d’onboarding pour simplifier ces tâches.

Côté candidat, c’est l’occasion rêvée de créer une nouvelle dynamique et relancer la motivation. Le salarié boomerang profite d’ailleurs souvent de cette situation pour renégocier ses conditions de travail ou demander une promotion. Ils sont nombreux à témoigner qu’ils se sentent plus désirés et désirables. Bien sûr, chaque cas est propre, mais le rapport de force peut inciter le candidat à mieux négocier son contrat. Enfin, le contexte de travail est anxiogène. Entre la pandémie et les crises économiques, retrouver du confort et du connu peut être rassurant.

Comment prendre soin de ses anciens collaborateurs ?

L’augmentation des salariés boomerang invite les employeurs à interroger leurs stratégies d’offboarding. En effet, si l’on parle souvent de l’arrivée d’un nouveau collaborateur, son départ est tout aussi important. Si celui-ci est encore trop souvent vécu comme une trahison, les entreprises ont tout intérêt à apaiser les échanges devant une démission. Pour l’employeur, cela nécessite alors de l’écoute, de l’empathie et une capacité à relativiser. Le rapport au travail a changé, les salariés sont plus volatils et un départ ne doit pas nécessairement être pris personnellement. De plus, les entreprises sont encouragées à garder le lien avec les alumnis dans le cadre de futures embauches ou pour soigner leur réputation. Réseaux sociaux, communautés, événements… Les occasions ne manquent pas pour rester dans l’environnement des anciens. La constitution et l’animation d’un vivier sont d’ailleurs indispensables, pour pouvoir rapidement prendre contact, notamment pour les postes pénuriques.

Comment réussir l’embauche d’un salarié boomerang ?

Réussir l’intégration d’un ancien collaborateur n’est pas si évident. Il s’agit d’une part de créer un climat positif à son arrivée. En effet, ce n’est pas parce que l’ancien salarié connaît déjà l’entreprise, qu’il ne faut pas soigner son onboarding. Organisation, vision, équipe en place… Beaucoup de choses ont pu changer, il est indispensable de lui faire une mise à jour. Comme pour toute nouvelle recrue, il faudra organiser des rencontres avec les équipes en place, qu’elles se connaissent ou non. Il peut également être intéressant de lui demander un rapport d’étonnement, par exemple à la fin de sa période d’essai. L’ancien salarié pourra, ainsi, mettre à profit son expérience et sa connaissance antérieure de l’entreprise tout en communiquant sur ce qui a pu changer. Enfin, la démission ne doit pas devenir une habitude. Pour éviter toute mauvaise surprise, il peut être judicieux de rester alerte en tant qu’employeur.

Garder le contrôle sur cette tendance du salarié boomerang

Les avantages pour les employeurs sont importants. Cela dit, il existe également des limites. L’employeur a donc tout intérêt à bien questionner l’ancien collaborateur quant à ses intentions. Comme pour un candidat “classique”, il s’agit de comprendre les motivations à revenir. Il peut être intéressant par ailleurs de revenir sur la première collaboration. En enclenchant le dialogue et le feedback, il sera possible de voir si les conditions sont désormais plus favorables. De plus, il faut veiller à ne pas déséquilibrer l’équipe en poste. En intégrant bien cette dernière dans la prise de décisions, cela peut permettre de remettre chacun à sa juste place. Enfin, certaines entreprises communiquent plus ou moins ouvertement sur les conditions de retour, notamment par rapport à une augmentation de salaire. Les organisations doivent faire attention à ce que cela ne devienne pas un levier lambda de négociation. Elles rappellent, ainsi, que sauf promotion ou exception, le salaire sera proche de celui au moment du dernier départ.

Les salariés boomerangs restent encore à la marge en entreprise. Mais devant des difficultés de recrutement importantes, ils peuvent s’avérer stratégiques. C’est en effet la possibilité d’avoir des personnes rapidement opérationnelles et compatibles avec l’entreprise. Culture, organisation, compréhension des enjeux : l’intégration est plus rapide et l’employeur peut profiter de l’expérience du collaborateur. À condition toutefois de bien soigner la phase d’offboarding – via la création et l’animation d’un vivier des anciens. En résumé, les entreprises doivent tout mettre en œuvre pour faire en sorte que ce ne soit qu’un au revoir.

Quelques-unes des sources citées dans cet article (indiquées par une étoile*)

  • Baromètre LinkedIn de l’emploi : de plus en plus de salariés reviennent chez un ex-employeur
  • Hays : étude de rémunérations nationale 2020
  • Dares : La France vit-elle une « Grande démission » ?
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