La question des retraites amène naturellement à s’interroger sur l’emploi des seniors et leurs place en entreprise. Si l’on s’arrête sur la France, le constat est clair : il y a encore beaucoup à faire. En 2021, seulement 56% des 55-64 ans avaient un emploi (contre 82% des 25-49 ans*). Découvrez ici un condensé d’idées pour recréer une dynamique autour de ces profils.
L’âgisme : première cause de discrimination à l’embauche
Les études s’accordent toutes sur un point. L’âge est un critère de discrimination très fort dans la recherche d’’emploi, particulièrement en France. Pour 8 salariés sur 10 et 9 chômeurs sur 10, c’est le critère le plus rédhibitoire, après le fait d’être enceinte. Cette impression se confirme dans les testings de candidats factices. En effet, un talent âgé de 48 à 55 ans a trois fois moins de chances d’être rappelé pour un entretien. Des chiffres qui sont préoccupants, d’autant que les choses semblent avoir très peu évolué ces dernières années, en tout cas en France.
Former les équipes de management et de recrutement
Les préjugés à propos de l’emploi des seniors ont la vie dure. Le premier levier consiste donc à revenir sur ceux-ci pour casser cette mauvaise spirale. Bonne élève, la Finlande est remontée à la source du problème. L’Institut de Santé au Travail a, en effet, lancé un grand plan de formation à destination des managers et recruteurs. Le but est de faire évoluer les mentalités sur les salariés plus âgés. Le dispositif s’est notamment concentré sur la peur inconsciente de diriger des profils plus âgés, en rassurant les équipes managériales. D’autres initiatives vont dans le même sens. Par exemple, les recrutements à l’aveugle se multiplient pour supprimer un maximum de biais, dont celui qui consiste à recruter une personne qui nous ressemble.
Soigner son langage lors du recrutement des seniors
Un autre biais se joue au moment de la rédaction des offres d’emplois. La discrimination peut prendre racine dans le choix des mots. Notons d’ailleurs que les start-ups sont particulièrement dans le collimateur de ces mauvaises pratiques. Le tutoiement des candidats, une culture d’entreprise décontractée ou la valorisation de profils tout juste sortis d’école, créent un décalage. Les candidats plus âgés ont nécessairement plus de difficultés à se projeter. Devant ce constat, plusieurs entreprises ont entrepris de changer la façon de rédiger les annonces et fiches de postes. Elles souhaitent être beaucoup plus inclusives et ne pas fermer la porte à des profils plus originaux. Elles insistent ainsi sur leur recherche de profils expérimentés, matures, ayant une forte capacité à se projeter à moyen terme. Elles valorisent tout autant les compétences dures, les diplômes que les soft ou mad skills. En résumé, les employeurs doivent se montrer ouverts et garder en tête qu’il n’y a pas d’âge pour les challenges professionnels.
Être là où sont les seniors
Depuis quelques années, les jobboards, portés par le digital, ont connu un coup de frais. Grâce à leur ergonomie simplifiée et une stratégie de contenus attractive, certains se sont spécialisés sur une génération, notamment les profils jeunes de la génération z et des milléniaux. Mais pour trouver des talents plus expérimentés, il est préférable d’aller les chercher là où ils sont. C’est-à-dire des plateformes génériques qui leur sont dédiées. Ainsi, Pôle Emploi, l’APEC, Senior à votre service ou bien Teepy Job, sont des incontournables pour aller trouver des profils de 50 ans et plus. Les recruteurs peuvent gagner un temps précieux, en se rendant là où sont les candidats et s’éviter un tri trop important.
Certifier l’engagement des entreprises
Pour certifier les engagements des employeurs sur le volet de l’égalité, il existe des labels. Emploi 45+ permet par exemple de mettre en avant ses plans d’action pour embaucher des profils plus âgés. Ce principe de certification est doublement bénéfique. Il permet de travailler l’image de l’entreprise. Cependant, il peut aussi rassurer les candidats, qui oseront plus facilement postuler pour une structure engagée sur le sujet. Cela permet finalement aux entreprises d’être plus visibles, d’intégrer une communauté d’acteurs et de progresser.
Salariés seniors : des forces à tout âge
Toujours en Finlande, la question de la santé est largement rattachée à celle de la productivité. Perdant en vivacité et confiance, les seniors se sentent souvent moins efficaces dans leurs tâches et se replient. Pour contrer ceci, le gouvernement, toujours via son institut, a cette fois lancé une campagne auprès des médecins. Ces derniers sont encouragés à souligner les forces de ces profils, plutôt que d’appuyer sur la baisse de leurs capacités. Ils aident les seniors à porter un autre regard, plus positif, sur leurs parcours et aptitudes. Nous pouvons retrouver cet état d’esprit dans le discours de certaines marques employeur. L’entreprise NGE en est un très bon exemple. Lorsqu’un collaborateur n’est plus en mesure d’effectuer certaines tâches du fait de son âge ou de sa condition physique, NGE proposent des solutions. En effet, les salariés seniors chez NGE sont accompagnés et formés pour leur permettre d’évoluer vers d’autres postes de leurs choix.
Mieux se mettre en avant
À force de discrimination, les seniors semblent de plus en plus découragés pour se mettre en avant. Ces salariés sont souvent victimes du syndrome de l’imposteur. Ils n’ont pas toujours intégré les nouveaux modes de recrutement et sont assez mal accompagnés dans leur gestion de carrière. Pourtant, certaines entreprises tirent leur épingle du jeu. Elles proposent par exemple un accompagnement sur-mesure, du coaching carrière ou des bilans de compétences. Il peut par ailleurs être intéressant d’encourager ces profils à être plus actifs sur les réseaux sociaux professionnels, comme LinkedIn. Valérie Gruau, fondatrice de Seniors à votre service, témoigne en ce sens : “Les seniors doivent avoir conscience de leur propre valeur pour convaincre les recruteurs”.
Quand la diversité crée l’équipe
Compter sur des profils plus seniors est indispensable en entreprise. Comme déjà évoqué, ceux-ci apportent beaucoup de par leur expérience et leur savoir-faire. Moins volatils, plus calmes et engagés, ils peuvent se révéler un formidable investissement pour les entreprises. La question du salaire, trop élevé, revient régulièrement pour justifier un certain “jeunisme”. Pourtant, sans diversité, les performances sont moins bonnes. Miser sur ces profils, qui restent bien souvent, jusqu’à la fin de leur carrière, permet de penser à la transmission des savoir-faire.
Modes de travail plus “doux”
Certains pays, toujours en Europe du Nord, proposent un aménagement des conditions de travail dans l’optique d’améliorer le bien-être au travail des salariés seniors. Un aménagement avec, par exemple, la possibilité de disposer de jours de congés supplémentaires. Les seniors se montrent par ailleurs créatifs pour repenser leurs rythmes. Plusieurs témoignages montrent qu’ils repensent leurs modalités contractuelles. Ils basculent sur des jobs alimentaires pour compléter leur carrière ou font appel au portage salarial. Depuis 3 ans, ce dernier a augmenté chaque année de 10%, et une personne sur 2 à plus de 50 ans. Cette recherche de nouveaux modes de travail n’est d’ailleurs pas sans rappeler la quête de la génération Z.
Mettre en place des dispositifs pour relancer l’employabilité des seniors nécessite beaucoup d’écoute et de prise de recul. Sans empathie, il apparaît impossible de corriger les biais, tant ils sont ancrés dans les mentalités. Ils se retrouvent aussi bien chez les candidats, en manque de confiance, que dans les entreprises, souvent peu conscientes du sujet. Pourtant, les seniors ne sont pas une porte de sortie, mais bien une porte d’entrée pour préparer l’avenir des entreprises. Sans eux, la montée en puissance de la gestion du capital humain ne peut se faire. À chacun donc de participer à réenchanter le rapport au travail, parce qu’il n’y a pas d’âge pour aimer son entreprise.
Quelques-unes des sources citées dans cet article (indiquées par une étoile*)
- Vie Publique : Emploi des seniors : des taux en progression jusqu’à 60 ans
- Slate : Seniors : comment travailler quand personne ne vous recrute plus
- NGE : NGE encourage la prise en compte de l’emploi des seniors par le gouvernement
- LinkedIn : comment trouver un emploi quand on est senior ?
- TF1 info : Emploi des seniors : qu’est-ce que le portage salarial, qui séduit de plus en plus ?