Un environnement professionnel en grande mutation, des salariés toujours plus exigeants ainsi qu’une concurrence exacerbée bouleversent le fonctionnement des entreprises. Pour se distinguer et relever ces défis, ces dernières doivent identifier des leviers d’innovation. L’intelligence collective en est un des moteurs principaux. Les salariés soutiennent d’ailleurs ces transformations internes : en 2018, plus de 60 % d’entre eux considèrent que le travail collaboratif a un impact particulièrement positif sur la motivation au travail et la créativité. Comment transformer son organisation et ses pratiques pour tendre vers davantage d’intelligence collective ? Voici trois pistes à explorer et bonnes pratiques de déploiement à expérimenter.
Comprendre l’intelligence collective pour enclencher les transformations internes
L’intelligence collective désigne la capacité d’une communauté* à faire converger intelligences et connaissances pour avancer vers un but commun. Pierre Lévy, auteur du livre « L’intelligence collective » *, la définit comme “une intelligence distribuée, valorisée, coordonnée en temps réel, permettant une mobilisation effective des compétences”.
Les conditions de sa mise en place résultent de la qualité des interactions entre les acteurs d’une organisation. Pour cela, il faut tendre vers un modèle d’entreprise communautaire ou en réseau qui favorise les échanges au-delà des silos tangibles et intangibles. Pour faire vivre la dynamique transversale, les choix managériaux sont cruciaux car les managers impulsent les échanges et lèvent les freins hiérarchiques.
Par ailleurs, miser sur l’intelligence collective est un puissant levier de transformation car elle permet de générer des idées, de s’inscrire dans l’amélioration continue ou d’imaginer de nouveaux produits et services. Quelques chiffres clés à retenir sur le lien positif entre intelligence collective et performance de l’entreprise selon une enquête Ipsos menée en 2018* :
- 69% des salariés pensent que cela procure un impact positif sur le partage de connaissance
- 62% d’entre eux soulignent qu’elle favorise la résolution de problème
- 65 % des interrogés affirment que cela améliore la productivité
Le management collaboratif : un pilier de l’intelligence collective
L’innovation managériale est le moteur d’une culture d’entreprise créatrice de valeur fondée sur l’ouverture, la confiance et la prise d’initiatives. Les entreprises comptent beaucoup sur leurs managers pour porter cette transformation. Mais elles oublient souvent que la première pierre de ce vaste “chantier” de changement reste le management lui-même ! Si les managers doivent porter la démocratisation d’une culture plus collaborative, ils doivent adopter de nouveaux comportements et de nouvelles postures. Le but ? Créer une culture managériale propice à la mise en commun des compétences, connaissances, créativités, capacités de réflexion et de résolution de problèmes.
Cela passe par quatre leviers transformationnels :
- Les relations hiérarchiques et inter-collaborateurs se réinventent pour favoriser le dialogue, la confrontation d’idées, l’écoute, le feedback … Le but est de favoriser l’émergence d’idées en levant toutes les barrières organisationnelles et culturelles pour bâtir un travail en réseau.
- La hiérarchie doit être assouplie afin d’encourager les échanges : c’est au manager de s’assurer que toute son équipe fonctionne de façon ouverte et en coopération.
- Le manager est proche de ses collaborateurs pour évaluer leurs différentes compétences afin de développer la complémentarité. Chacun peut ainsi trouver sa place et son utilité dans le groupe.
- L’environnement de travail se fonde sur la confiance où chacun peut proposer de nouvelles idées sans peur d’être jugé.
La consultation des salariés à grande échelle : générer des idées et de la créativité
D’après le baromètre de l’intelligence collective mené par BVA pour Bluenove* en 2018, 37% des Français considèrent que “comme dans la vie démocratique, ils devraient être plus consultés par leur entreprise”. Et pour 20% des interrogés, “les Français devraient pouvoir amender ou modifier une décision au sein de leur entreprise”. Pour bénéficier de toute l’intelligence collective d’un groupe ou d’une organisation, l’entreprise doit mettre en place des formes de dialogue entre salariés, entre collaborateurs et management ainsi qu’avec la direction.
Libérer les idées ne s’improvise pas mais s’organise autour de différentes formes de démarches de consultation : participatives, dialogue collaboratif, espaces de discussion, réunions d’expression… Un point clé : il faut aborder les questions qui intéressent vraiment vos salariés : stratégie de l’entreprise, organisation, management, qualité de vie au travail, innovation produit ou service, raison d’être etc.
Pour ouvrir la discussion à grande échelle, il est aujourd’hui indispensable de s’appuyer sur des outils d’intelligence collective. Par exemple, les enquêtes en ligne, les réseaux sociaux d’entreprise (groupe de discussions) ou encore les plateformes de recueil d’idées. Ces dernières offrent la possibilité à chaque participant d’échanger et de co-construire des solutions nouvelles sur des enjeux clés. Un des facteurs clés de succès d’une consultation est la mise en place d’un facilitateur. C’est une personne pivot qui, par des techniques d’animation, va aider le groupe à atteindre son objectif. Elle n’est donc pas là pour apporter la solution mais pour guider la génération d’idées et les structurer.
Une gestion des compétences dynamique et fondée sur les soft-skills
L’intelligence collective dépend également de la capacité des organisations à mobiliser toutes les compétences et à savoir les mettre en commun pour accomplir des objectifs donnés. La gestion des talents doit donc être agile pour parvenir à bâtir ce système interconnecté. Le fonctionnement de l’entreprise apprenante est une bonne source d’inspiration : à savoir, faire progresser les individus en fonction de leurs intérêts et de leur capacité et les encourager à développer leur employabilité de manière continue. Pour cela, il faut s’appuyer sur des outils favorisant une politique structurée et performante des compétences : pilotage, tableaux de bord, gestion des données, simulation, automatisation et individualisation des parcours.
De même, les soft-skills doivent faire partie intégrante de la politique de gestion des compétences. C’est en effet critique pour amener les équipes à davantage coopérer, écouter et communiquer. Le co-développement est une méthode très puissante d’intelligence collective qui permet de mettre en commun et de valoriser les compétences sociales et comportementales. Organisées par groupe de pairs, les sessions invitent les salariés à échanger sur des problématiques professionnelles communes afin de faire émerger des solutions. Pour finir, et par souci de cohérence, toutes les politiques RH (évaluation, mobilité, recrutement…) doivent être également revues avec ce prisme “soft-skills” afin de mener progressivement l’organisation vers des fonctionnements plus collaboratifs et transversaux.
Quelques-unes des sources citées dans cet article (indiquées par une étoile *) :
- Wikipédia, Définition de Communauté
- L’intelligence collective, Pour une anthropologie du cyberespace, Pierre LÉVY 1997
- La culture de la collaboration en progrès dans les entreprises, Enquête Ipsos 2018
- Baromètre de l’Intelligence Collective Massive : « Où en sont les grandes entreprises françaises ? » BVA & Bluenove 2018