Bien-être au travail : quels enjeux aujourd’hui ?

Les débats sur la retraite remettent naturellement la question du rapport au travail sur le devant de la scène. En effet, si travailler était source d’épanouissement, les Français auraient-ils autant de mal à s’imaginer cotiser plus longtemps ? Profitant de cette actualité, nous avons interrogé le concept de bien-être au travail. De ses opportunités à ses limites, nous vous proposons un panorama, utile aussi bien aux employeurs qu’aux salariés.

Le bien-être au travail : de quoi parle-t-on ?

Repartons du début : en philosophie, le bonheur peut relever “d’un état de satisfaction complète, stable et durable”. Mais quand il s’agit du travail, la réponse est plus nuancée. Les Français se montrent, en effet, partagés entre le considérer comme une finalité ou comme un moyen. Pour 56% d’entre eux, le travail reste “une contrainte nécessaire pour subvenir à ses besoins”. Les 44% restant le voient comme “un moyen pour s’épanouir dans la vie”*. Ces chiffres attestent d’une chose. Il semble difficile de concevoir un seul rapport au travail et donc de faire consensus sur le bien-être. Il est en effet une notion subjective, relative et personnelle. Tout comme la place que chacun souhaite donner au travail dans sa vie. Sans jugement, les employeurs doivent donc composer pour trouver le bon équilibre dans leur discours et leur stratégie RH.

Quand les émotions arrivent en entreprise

Se poser la question du bien-être au travail renvoie nécessairement à interroger ses émotions. Si, pendant longtemps, celles-ci étaient tabous dans la sphère professionnelle, les nouvelles générations se montrent plus à l’aise. 82% des 18-34 ans se déclarent ainsi en mesure de parler d’un problème de bien-être au travail, quand ils ne sont que 69% chez les plus de 55 ans*. La médiatisation des maladies mentales peut également expliquer cette tendance. Le burn-out et les contextes toxiques ne sont plus des gros mots. Il est d’ailleurs intéressant de noter que l’intelligence émotionnelle est promise à un bel avenir. 69% des dirigeants la considèrent comme une compétence clé en 2021 ; ils n’étaient que 20% avant la pandémie.

Où sont attendues les entreprises ?

Les salariés – notamment les plus jeunes de la génération z – engagent la responsabilité des employeurs dans cette problématique. 85% des 18-24 ans considèrent ainsi que l’entreprise doit veiller au bonheur de ses salariés pour être plus performante*. Pour ce faire, plusieurs leviers existent : environnement apaisant, management positif, reconnaissance protéiforme, partage de la stratégie, développement professionnel… Pour être efficaces, ces mesures doivent être pensées et renouvelées en continu. En jouant à la fois à un niveau individuel et collectif, elles participent à créer un climat de confiance indispensable au bien-être. Mais attention : les engagements pris doivent être forts et démontrer une vraie stratégie. Le bien-être n’a rien à voir avec un baby-foot ou un cours de gym !

Sens au travail et bien-être au travail : quelles différences ?

Très souvent associé au bien-être, le sens au travail est un sujet qui fait, lui aussi, beaucoup parler. En effet, les salariés sont en recherche de métiers et de missions porteurs de sens, pour la société ou pour eux-mêmes. Cette exigence se remarque d’autant plus chez les jeunes générations. Pourtant, la confusion entre les deux notions peut créer des biais. C’est ce que souligne Flora Bernard, consultante en philosophie en entreprise. “ La recherche du bonheur au travail est devenue un objectif en soi. Mais je ne pense pas que le bien-être puisse se fabriquer, il découle toujours d’autre chose. Pour le dire très simplement, ce n’est pas le bonheur qui donne du sens, mais l’inverse.” Ainsi, le bien-être au travail peut s’exprimer de multiples façons. Et n’oublions pas que le bien-être est à cultiver et à réinterroger régulièrement. La quête de sens peut être une notion plus diffuse et pérenne.

Quand le bien-être devient un métier en entreprise

Les entreprises l’ont bien compris : réfléchir à l’épanouissement de ses collaborateurs est un moyen de créer de la valeur. C’est ainsi que des métiers tels que Chief Happiness Officer, coach bien-être ou encore responsable QVCT sont apparus. Ces profils veillent à construire un environnement de travail sain et à cultiver un climat de confiance. Leur objectif est clairement affiché : augmenter l’engagement au travail et la fidélisation des salariés (et in extenso leur productivité). Inspirées de la “start-up nation”, les initiatives ne doivent cependant pas en rester à l’anecdote. Ces équipes doivent réussir à s’intégrer dans les stratégies de l’entreprise pour avoir une bonne capacité d’action et traiter les sujets en profondeur. En cela, le fait de rattacher cette fonction directement à la direction peut envoyer un signe positif à tous.

Les limites au bonheur

Il est évident que l’épanouissement professionnel est bon à la fois pour les entreprises et les collaborateurs. Efficacité, mieux-être, investissement, capacité à se projeter : les champs positifs sont réels et créent souvent un effet domino. Pourtant, la conquête du bien-être peut vite devenir une source de stress et d’épuisement. Comme l’explique Eva Illouz dans Happycratie, le bien-être est devenu un business. La psychologie positive, à force de présenter les individus comme acteurs de leur bonheur, peut rapidement enclencher de la culpabilité. En toute logique, des salariés désinvestis ou malheureux dans leur travail ne risquent-ils pas de se sanctionner et de s’isoler ? Pourtant, ne pas être heureux dans son travail est-il une si mauvaise chose ? Être détaché vis-à-vis de son employeur peut être utile, notamment devant l’explosion des burn-outs et d’une hyperconnexion. Cette tendance, appelée quiet quitting ou démission silencieuse, est née de TikTok et continue de croitre en popularité.

Il en faut peu pour être heureux

Promettre à ses collaborateurs le bien-être au travail semble prétentieux et disproportionné pour une marque employeur. D’autant que, comme nous l’avons abordé précédemment, c’est un concept qui reste subjectif et multidimensionnel. En revanche, nul doute que cultiver une culture positive, humaine et bienveillante participe à l’épanouissement des salariés. Grâce à une équipe RH impliquée, il est tout à fait possible d’engager une relation de proximité avec le personnel. Mais cela passe également par les équipes de management qui doivent se montrer reconnaissantes envers le travail fourni. Ainsi, c’est un travail de tous les jours qui participe à construire la culture d’entreprise. Pour réussir à tenir dans le temps, les équipes de recrutement ont également tout intérêt à être sensibilisées, en veillant aux soft skills et aux mad skills des candidats. En effet, il suffit d’une personne toxique ou non-alignée avec les valeurs de l’entreprise pour déséquilibrer les collaborateurs.

À retenir du bien-être au travail

Ce n’est pas un hasard si la question du bien-être au travail est devenue si populaire en 2023. En effet, les employeurs se retrouvent dans des situations inédites. Soit, ils sont face à des collaborateurs trop volontaires, qui finissent par s’épuiser. Soit, à l’inverse, ils ont affaire à des salariés désengagés, faisant le strict minimum. Dans les deux cas, le bien-être peut être la source de ces déséquilibres. Si celui-ci ne peut être une simple promesse, au risque de n’être jamais tenue, travailler sur le bien-être est un indispensable. En effet, c’est par les petites attentions que la relation employeur / employé pourra prendre une tournure positive et durable. Et de faire, ainsi, du bien-être un moyen efficace pour garder ses employés et rayonner par le bouche-à-oreille et la culture d’entreprise.

Quelques-unes des sources citées dans cet article (indiquées par une étoile*)

  • Sondage IFOP : Les Français et le travail
  • Parlons RH : émotions au travail : la majorité des salariés sont stressés, mais le cachent
  • BVA Group : Baromètre BVA / Groupe ISC Paris du bonheur au travail vu par les jeunes
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